Par Mark Duerksen
8 février 2023
L’évolution rapide des circuits d’information a engendré des vulnérabilités que les puissances étrangères – la Russie, la Chine et les États du Golfe en tête – ont exploitées de manière agressive.
De la Libye au Mali en passant par le Mozambique, une ressource précieuse en Afrique est exploitée, manipulée et utilisée clandestinement pour asseoir et consolider le pouvoir.
L’information fait l’objet d’attaques systématiques sur tout le continent, les acteurs antidémocratiques cherchant à déformer et à mettre à mal cette ressource commune dont dépendent les démocraties vivantes. Cette guerre contre le partage d’informations fiables, authentiques et constructives se manifeste sous forme de campagnes de désinformation coordonnées, conçues et déployées par des acteurs extérieurs – et de plus en plus par des autocrates, des élites et des groupes militants nationaux – à des fins de déstabilisation.
Au cours de l’année écoulée, l’ampleur et la sophistication de ces opérations en Afrique ont été mises en évidence au fur et à mesure qu’elles étaient détectées et répertoriées. Plus de 50 campagnes (chiffre qui ne cesse de croître) ont été recensées, qui ont eu recours à diverses tactiques, notamment l’utilisation des algorithmes des réseaux sociaux pour amplifier les messages de désinformation par la diffusion coordonnée de contenus erronés et trompeurs émanant de comptes inauthentiques (faux et de façade).
Ces attaques surviennent à un moment où une frange croissante de jeunes internautes africains est avide d’informations exploitables. Les Nigérians, les Sud-Africains et les Kényans sont parmi les plus nombreux au monde à suivre l’actualité et à utiliser les réseaux sociaux pour trouver des informations dans des proportions plus importantes que dans toute autre région. Depuis 2016, le nombre d’utilisateurs de réseaux sociaux sur le continent a quadruplé pour atteindre près de 400 millions de personnes aujourd’hui. Ces utilisateurs cherchent des informations sur ce qui se passe dans leur ville, leur pays et dans le monde, et notamment : sur leurs représentants politiques, les élections, les transitions ou reculs démocratiques, l’économie et le marché de l’emploi, le changement climatique, le COVID-19, l’inflation, les conflits – et ce que l’avenir pourrait leur réserver et comment ils pourraient améliorer leur trajectoire.
« Environ 60 % des campagnes de désinformation documentées sur le continent sont menées de l’extérieur ».
Ces canaux d’information en évolution rapide ont engendré des vulnérabilités que les puissances étrangères, notamment la Russie, la Chine et les États du Golfe, ont exploitées de manière agressive : environ 60 % des campagnes de désinformation répertoriées sur le continent sont menées de l’extérieur. Les instigateurs antidémocratiques de la désinformation cherchent à déformer, confondre, polariser et semer la méfiance dans les communications publiques de manière à neutraliser l’échange d’idées concurrentes, la transparence et la responsabilité que favorisent les sociétés démocratiques. La distorsion du paysage de l’information qui en résulte permet aux pourvoyeurs de désinformation de façonner des récits sociétaux favorables à leurs intérêts politiques.
Les acteurs africains ont commencé à mettre en place des initiatives innovantes et efficaces, notamment des recherches accessibles sur la désinformation, des réseaux de vérification des faits et des sessions de formation à la culture numérique et aux médias, afin de mettre en place des garde-fous et de renforcer la résilience des écosystèmes d’information en constante évolution de l’Afrique. Ces efforts doivent être renforcés et combinés au sein de stratégies politiques. Sinon, comme l’a récemment fait remarquer un expert africain de la lutte contre la désinformation, divisés, « ils ne font que brasser de l’air ».
Publié à l’origine dans Africa : Year in Review 2022 par le Programme Afrique du Wilson Center.
En plus : Russie en Afrique Désinformation